Durant les Années des Arbres, las des exactions maléfiques de leur sombre frère Melkor en Terre du Milieu, les Valar partirent en guerre contre lui. Aidés des Elfes, ils détruisirent sa forteresse souterraine d'Utumno qu'il avait construite à leur insu dans le Nord. Défait, le Vala Melkor fut emprisonné et entravé de la singulière chaîne d’Angainor, forgée spécialement par son frère Aulë afin contraindre sa pleine puissance. Captif, il fut ramené à Valinor pour y être claustré dans les cavernes du Vala Mandos. Pour autant, après un millénaire de captivité, ses frères le libérèrent, trompés une nouvelle fois par sa malice. Le sombre Vala pervertit alors les Elfes et abusa d'eux. Il s’allia à l'araignée géante Ungoliant et, tous deux, abattirent les arbres sacrés de Valinor et dérobèrent aux Elfes leurs trois pierres de lumière, les Silmarils, avant de s’en retourner jusqu’en Terre du Milieu. Depuis ces méfaits, les Elfes le renommèrent Morgoth, le « Noir Ennemi du Monde ». Au Premier Âge, ceux-ci le poursuivirent et le combattirent continûment en son royaume de la Terre du Milieu. Ces terribles batailles séculaires meurtrirent à jamais la face du Monde. Morgoth fut finalement vaincu avec l’aide des Valar et des Hommes, et ses armées furent anéanties. Cette fois, ses frères se montrèrent sans pitié et l’entravèrent une dernière fois avec Angainor. Ils lui coupèrent les mains et les pieds et le bannirent au-delà des Cercles du Monde. Nul ne sut ce qu’il advint de la chaîne après l’exil de l’infâme Vala. Certains dirent qu’elle fut fondue dans le foyer de l’un des trois volcans du Thangorodrim, proches de la forteresse du vaincu, mais d’autres assurèrent que l’un des maillons fut préservé et confié par les Valar aux Elfes pour se prémunir du retour du Mal. Ces derniers, afin de célébrer et de forger leur amitié victorieuse avec les Hommes, leur cédèrent symboliquement le chaînon. Après le déluge en Nùmenor et leur fuite vers la Terre du Milieu, ceux-ci conservèrent précieusement cet inestimable présent dans la tour d’Amon-Sûl, dressée au royaume d’Arnor, en Eriador. Malheureusement, lors de son effondrement et la prise de la tour par le Roi-Sorcier d’Angmar au Troisième Âge, la trace et l’idée même de l’existence du maillon d’Angainor s’étiola et s’effaça. Néanmoins, la renommée de sa puissance légendaire subsista dans les contrées les plus reculées. Là, elle y survit, enfouie dans l’esprit éclairé de celles et de ceux encore empreints d’un espoir ténu.
A-F
Bien des siècles plus tard, au cœur des ruines abandonnées de la tour d’Amon-Sûl, un jeune Rôdeur du Nord, héritier déshonoré du royaume déchu du Rhudaur, découvrit fortuitement le feuillet déchiré d’un manuscrit oublié. Écrit en langue noire, il relatait l’existence, à l’est, d’un fragment d’artefact unique des temps anciens, si puissant que la malveillance du sorcier d’Angmar ne put le détruire. Cette découverte inattendue fit germer dans l’esprit de ce jeune guerrier impétueux l’espoir d’une inespérée repentance pour sa honteuse lignée. Il songea alors aux légendes anciennes des Hommes de l’Ouest et, tout particulièrement, à celle du maillon d’Angainor offert à ses aïeux par les Elfes. Retrouver ce lumineux artefact, telle devint son obstination, sa quête. Le maillon entre ses mains, il fera reforger une chaîne par le plus docte des forgerons, qu’il fut un Nain d’Erebor ou un Elfe de Fondcombe Car, si celle d’Angainor put entraver le noir Morgoth, la sienne ne pourrait-elle pas ligoter à jamais l’un de ses suppôts, tel le terrible Roi-Sorcier d’Angmar ? Son songe devint son obsession et il se dut de savoir si l’Ombre, qui grandissait à l’Est, présageait le retour du Capitaine Noir. Peut-être même ce dernier venait-il rechercher le chaînon ensorcelé caché dans les tréfonds de la Forêt Noire ? Exalté, le rôdeur abandonna sa surveillance. Il quitta son Eriador natal et voyagea vers les Terres Sauvages du Rhovanion, situées par-delà les Monts-Brumeux, où le pic présomptueux de la Montagne Solitaire déchirait les cieux de sa cime effilée.