La sueur perlait le long de mon échine. Le torse dénudé, inondé d'une douce chaleur printanière, je déposai avec effort une énième pierre sur le vieux muret. Celui-ci encerclait le vaste potager abandonné d'une vieille masure délabrée et située non loin de Bourg-les-Bois. L'ancienne ferme et sa terre étaient une récente acquisition commune avec Myrha et, depuis quelques jours, je restaurais patiemment sa clôture en pierre.
— Aigre-Feuille, viens ici ! Hâte-toi, te dis-je !
Je plaçai ma lourde pierre de guingois sur le muret et m'assurai rapidement de son éphémère stabilité avant de rejoindre mon amie agenouillée au centre du potager. Accroupie sur elle-même, le visage seulement à quelques pouces du sol, elle scrutait un détail avec une attention soutenue. Je m'approchai d'elle avec une curiosité grandissante, tout en prenant garde de ne pas piétiner inutilement les sillons récemment labourés. Lorsque je fus à ses côtés, elle se redressa brusquement sur ses genoux. Son visage s’illumina d'un large sourire et son index ferme pointa une fragile pousse naissante qui s'extirpait courageusement d'une ridule terreuse. Je hochai la tête, arborant également un sourire. Planté cette fin d'hiver, le semis des graines d'herbe à pipe germait.